Ah ! Ches coulonneux… - R. Cuvelier

“ Mon di ! mon di ! Elisse, Wetti qu’ch’est malheureux, eu d’vire qu’min Batisse, ya tourné coulonneux ” (mon dieu ! mon dieu ! Elise, qu’il est malheureux de voir que mon Baptiste est devenu coulonneux).

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La solitude de la femme de coulonneux évoquée par cette vieille complainte n’était pas vraiment démodée dans les années 70. Entre son élevage et les concours, le coulonnneux passe certainement plus de temps à s’occuper de ses pigeons que de sa famille.

Avant l’invention de la bague, en 1888, c’était la folle course des coulonneux. Le constateur a été inventé en 1897, le constateur individuel en 1922, la bague à pigeon date de 1888. Lors de l’inscription du pigeon à la société (souvent le bistrot du coin), le responsable du concours contrôle l’oiseau et le constateur. Cette boîte agrée par l’Union nationale, est munie d’une horloge qui enregistrera les heures d’arrivée des pigeons. La vérification scrupuleuse de cette boîte évite ensuite toute contestation des résultats car elle est plombée le temps du concours. Dès que l’identité d’un pigeon a été constatée, par la conformité des empreintes qu’il porte à l’aile, avec les indications fournies par le livre d’inscription, on l’enferme dans le compartiment auquel lui donne droit son rang d’arrivée. Tous ces préparatifs s’appellent l’enlogement et se déroulent avec le plus grand sérieux.

Le dimanche suivant, on procède, en assemblée publique, à la distribution des prix agrémentée de fleurs et de toasts sans fin. Mais toujours, le premier acte du président est de rompre, devant tous, les cachets de la boîte où sont enfermés les timbres et marques, dont on s’est servi lors de l’inscription ”.

Avant l’invention du constateur, le coulonneux regagnait son logis, ouvrait la trappe d’accès au pigeonnier et scrutait le ciel, attendant avec impatience le retour de son coulon et espérant qu’un lâcher concurrent ne vienne pas le détourner de sa trajectoire ou qu’un chasseur inconscient ne le prenne pour cible. Sitôt arrivé, le volatile été attrapé et enfermé dans un panier d’osier dont la partie supérieure était d’étoffe et se fermait.

Dans cette illustration, Roland Cuvelier raconte la course de relais des coulonneux de cette époque (source Jules Dementhe 1872). Le maître dégringole les escaliers du pigeonnier et jette le panier à un homme qui se tient sur la dernière marche. L’homme prend le panier aux dents et les jambes au cou, fi le comme un boulet, froissant tout sur son passage, jusqu’à ce qu’il atteigne un camarade aposté plus loin ; lequel saisissant le panier de la même manière, va, toujours courant, le transmettre à un troisième compère – qui de son côté le porte à un quatrième – et ainsi de suite jusqu’au plus proche délégué. Chaque amateur en effet organise, à son compte, une ligne de relais pour gagner quelques secondes…

Texte : La Voix du Nord - Dessin : R. Cuvelier


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